L’éveil politique par la nourriture ?
Manger ou consommer, faut-il choisir ?
Comment naît la conscience que la nourriture véhicule d’autres valeurs et choix politiques que l’acte seul d’acheter ce qui est proposé ?
Dans son film documentaire Douce France (2020, Elzévir Films) le réalisateur Geoffrey Couanon a suivi un groupe de lycéens lancés dans une enquête sur un projet de parc de loisirs impliquant d’urbaniser les terres agricoles proches de chez eux. Les adolescents réalisent en chemin les liens jusqu’ici méconnus entre circuits agricoles et consommation alimentaire, mais aussi les mirages de la facilité et des prix bas. Mais comment agir en conséquence ?
Le festival des Utopies Réelles propose d’en débattre autour de la sociologue Isabelle COUTANT (CNRS), avec Stéphane TONNELAT, chercheur au CNRS, spécialiste des interstices urbains, des friches et des mobilisations citoyennes qui y sont associées, et Aurélien MALPHETTES, acteur de terrain et coordinateur Entreprises-Coopératives-Jeunesses au sein du CBE de Seignanx.
Court-circuiter ses habitudes : quel est le rôle des consommateurs ?
Remonter le fil de ce que l’on mange d’ordinaire sans se poser de questions pour justement s’interroger : c’est l’enquête menée par six étudiants en géographie et ingénierie d’espace rural, suivie par Pierre BECCU dans son documentaire Regards sur nos Assiettes (2015, Bas Canal Productions). En étudiant les impacts de nos choix de consommateurs, ces étudiants découvrent aussi les possibilités de manger autrement, mieux et même moins cher. Mais 12 ans après la sortie du film en salle, on se demande encore : pourquoi est-ce si difficile de changer massivement nos habitudes ? Peut-on envisager de fabriquer une nouvelle norme grâce à la prise de conscience de quelques-uns ? Suite à la projection du film, débat autour de Camille MORTREUX, chargée de développement des circuits alimentaires locaux au sein du CBE de Seignanx, avec le chercheur Thimothée DUVERGER, enseignant à Sciences Po Bordeaux où il dirige la chaire TerrESS ; le personnage du film Paul Rochet, reconverti de l’industrie fromagère pour devenir un boulanger aussi indépendant que passionné ; et l’acteur de terrain Christian LABATSUZAN, président de la coopérative Otsokop.
Nourrir les autres : une utopie ambulante ?
Dans leur film Ayi ( 2019, Ana Films) les réalisatrices Marine Ottogalli et Aël Théry suivent une femme de 50 ans aux yeux rieurs qui fuit la police pour cuisiner dans les rues de Shangaï. Elle risque l’expulsion à tout instant mais ne peut renoncer à l’activité qui la fait vivre depuis 20 ans. Sa déambulation raconte la modernité et le changement des normes qui rendent certaines populations indésirables au cœur des villes, mais plus encore le poids des représentations et des symboles dans les manières de se nourrir et de nourrir les autres.
Est-ce que le glas a sonné pour l’ensemble des pratiques culinaires populaires et sans prétention qui ne satisfont pas au bon goût du jour ? Pour en débattre autour de Damien CONARÉ, ingénieur agricole (chaire UNESCO Alimentations du monde chez Montpellier SupAgro), Sébastien DALGALARRONDO, sociologue au CNRS et directeur de l’ouvrage « Promesses alimentaires » (avec Tristan Fournier, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2022), et Margarita BOHORQUEZ , fondatrice de Maiki Cuisine.
Manger sauvage : autonomie et utopie nourricière
Pour bien manger, vivons cachés ?
C’est en tous cas ce que semble décrire l’utopie d’une famille qui a tout quitté pour vivre en autarcie dans la forêt boréale de la Gaspésie, au Québec. La projection de La Famille de la forêt de Laura Rietveld (2022, Katarina Soukup) questionne : le retour à la vie « sauvage » est-il la clé pour retrouver le contrôle de son rapport à la terre ? Utopie nourricière à l’usage du monde ou survivalismesectaire au profit de quelques-uns ? Autour de Pierre-Benoît JOLY, directeur de recherche à l’INRAE, les appels de la forêt sont interrogés par le sociologue Tristan FOURNIER (CNRS),directeur de l’ouvrage « Rewilding Food and the Self: Critical Conversations from Europe » (avec Sébastien Dalgalarrondo, Éditions Routledge, 2023), et Marion BROUQUISSE (Kimuak), cueilleuse professionnelle.
Manger l’animal : l’amour à mort ?
Dans le film Nous la mangerons, c’est la moindre des choses (2020, CVB), nous suivons Nathalie, bergère dans le Piémont cévenol, qui apprend à tuer ses bêtes.
Comment bien donner la mort aux êtres qui nous font vivre ?
Que deviennent l’amour et le soin portés aux animaux quand il faut aussi s’en nourrir ?
Ces questions animent le débat en présence de la réalisatrice du film Elsa MAURY, du sociologue Giovanni PRETE (Université Sorbonne Paris Nord), du chercheur Félix JOURDAN (CIRAD) auteur de la thèse « Rituels musulmans à l’épreuve de l’abattage humanitaire-industriel », et d’Anthony DURRUTY, directeur Général d’ALDABIA, éleveur de volailles dans la vallée de la Nive.
Nourrir le monde : l’utopie coopérative
La République démocratique du Congo pourrait nourrir 3 milliards de personnes. Aujourd’hui, un congolais sur deux souffre de la faim. Le film documentaire Amuka, l’éveil des paysans congolais (2021, Popiul SPRL) projeté en dernière séance du festival pose une double question: pourquoi un tel paradoxe et quel avenir pour l’agriculture familiale congolaise ?
Par un portrait croisé de quatre petits producteurs dans quatre régions aux problématiques distinctes, le réalisateur Antonio Spanò nous permet de questionner le sens et la puissance de l’utopie coopérative, bien au-delà des frontières du Congo. L’agriculture sociale et solidaire pourrait-elle nourrir le monde ? Pour en débattre autour de Marie ALAUZEN (CNRS) : la chercheuse Maryline FILIPPI (Bordeaux Sciences Agro, INRAE), co-auteure de « Les coopératives agricoles : Identité, gouvernance et stratégies » (2013, Larcier), Nicolas BRICAS, chercheur au Cirad et titulaire de la Chaire Unesco Alimentations du Monde, et David FIMAT, coordinateur « Accès à l’alimentation » et « Urgence climatique » de l’association Vers un Réseau d’Achat en Commun (VRAC).